Il ne faut pas que ça se voie

Je sais que je ne devrais pas écrire ces choses-là. Ni les dire, ni les montrer, ni les laisser deviner.

Mais c’est comme ça. Je suis comme ça. Ça fait partie de moi. C’est moi.

Je ne sais pas si « dépression » est le bon mot. Souvent j’appelle ça « la petite bête » . Mais ce soir on va juste dire « dépression ». C’est un peu un mot tabou. Même si, d’après WordPress, sur ce blog, il apparaît déjà dans 17 billets sur un peu plus de 500.

La dépression est une maladie dont on ne se remet jamais vraiment complètement. Même supposé guéri, on vit avec. Parfois on arrive à la faire reculer, elle peut rester longtemps en sommeil, mais elle est là. Elle sera toujours là, prête à revenir. Elle était là avant d’être remarquée, bien avant d’être identifiée, traitée, combattue, repoussée. Dans mon cas, je crois même pouvoir dire qu’elle était là avant même que je ne naisse. Et elle sera encore là jusqu’à mon dernier souffle. Et tout ce que j’espère, c’est de ne pas la filer à ma fille.

On ne croit pas les dépressifs. La dépression n’est pas acceptée comme une vraie maladie. C’est pire qu’une maladie. C’est une chose qui est à la fois niée et exploitée. Niée comme si ce n’était pas une maladie, comme si c’était juste un choix, une préférence, une volonté : « Tout ça c’est dans ta tête… Secoue-toi… Souris… Arrête ta comédie… ». Exploitée comme outil d’exclusion, de stigmatisation, de discrimination : « Arrête de nous emmerder… Tu nous tires vers le bas… Casse-toi… Va te faire soigner… ». Ce monde pue. Ce monde est sans pitié. Ce monde est sans répit. Ça ne s’arrête jamais. Je suis fatigué.

On ne respecte pas les dépressifs. Il n’y a pas de « Depression Pride ». Il n’y a pas de héros dépressifs. Il n’y a pas de quotas pour les dépressifs. Il n’y a pas de place pour les dépressifs. On ne supporte pas les dépressifs. Ce monde se veut beau. Ce monde se croit parfait. Ses gens se croient jeunes et jolis. La tristesse est interdite. Tout va bien. On ne veut pas voir« Fais un effort, bordel de merde ! »

On ne prend pas les dépressifs au sérieux. Et, voyez-vous, c’est peut-être idiot, mais être pris au sérieux, c’est très important pour moi. Comprendre. Être compris. Écouter. Être écouté. Et la dépression est le plus court chemin vers le discrédit. Une fois que vous êtes étiqueté « dépressif », tout ce que vous direz par la suite, sur quelque sujet que ce soit, sera ignoré. Tout sera mis sur le compte de la dépression, réelle ou supposée, permanente ou temporaire. « Faut pas l’écouter, il est comme ça, c’est pas important… »

Se reconnaître dépressif, être connu comme dépressif, être juste considéré comme dépressif, suspecté d’être dépressif, c’est le début de la mort sociale.

On n’embauche pas un dépressif. On ne confie pas de responsabilités à un dépressif. On ne parle pas à un dépressif, on n’écoute pas un dépressif — on a trop peur d’être contaminé. On ne tolère pas un dépressif — on a trop peur d’être souillé.

On n’attend rien d’un dépressif. Certes, on peut l’exploiter, mais au fond, on attend juste qu’il crève. On attend qu’il se rende compte de lui-même qu’il gêne, qu’il n’a pas sa place sur Terre, que ça serait mieux pour tout le monde s’il n’était plus là.

Mais qu’est-ce que vous êtes venu foutre sur Terre, nom de Dieu ? Vous n’avez pas honte d’exister ?

Pourquoi croyez-vous que ce blog est anonyme, depuis le début et pour l’éternité ? Et pourquoi, accessoirement, il ne pourra jamais être rien d’autre qu’un prototype ? Parce que je savais, avant même de le commencer — et j’ai attendu des années –, je savais, je savais que tôt ou tard il serait rattrapé par la petite bête. Que tôt ou tard, il serait imbibé par la tristesse, coloré par la mélancolie, colonisé par la petite bête. Et ça n’a pas raté. Ce blog dégouline de tristesse. Ce blog pue la dépression. Et il n’y a pas d’oubli possible : l’oubli est le propre de l’homme, mais les machines n’oublient rien. La seule issue raisonnable c’est l’amputation.

Il ne faut pas que ça se voie.

J’ai essayé. J’ai essayé de vivre malgré tout cela. J’ai essayé d’écrire. J’ai vécu un peu. J’ai écrit un peu. J’ai réussi deux ou trois petits trucs. J’ai essayé. J’essaierai encore — si j’arrive à écrire ces lignes, c’est que j’arrive encore à essayer. J’ai passé la quarantaine. Tous les jours je vais travailler. Tous les jours je m’occupe de ma fille. Je donne le change. J’essaie encore. Mais ça n’ira pas bien loin. Ça ira probablement de moins en moins loin, ce blog comme le reste.

Il ne faut pas que ça se voie. Mais je sais que les mots, les intonations, les regards, me trahissent. J’ai commencé à écrire les lignes qui sont devenues ce billet juste après avoir ramené ma fille de l’école. La petite bête m’avait gratté toute la journée ; elle s’est déchaînée sur le chemin de l’école, dans la lumière triste de l’automne. C’est absurde. J’aime ma fille. J’étais heureux de la retrouver. Pourquoi ces rivières ? Pourquoi est-ce arrivé ainsi ? Why? Warum? Is there a virus? Is this the source?

Il ne faut pas que ça se voie. Je sais que ma fille me regarde parfois avec surprise ou avec inquiétude — un jour ce sera avec dégoût et avec mépris. C’est encore une enfant — bientôt ce sera une adolescente, je sais ce qui m’attend. Et pourtant, si ma fille n’existait pas, j’aurais probablement cessé d’exister depuis longtemps. Et quand elle n’aura plus besoin de moi, je n’aurai probablement plus de raison suffisante d’exister.

Il ne faut pas que ça se voie. Dans son immense fourre-tout intitulé « Le Royaume », Emmanuel Carrère a écrit :

Même les plus assurés d’entre nous, je pense, éprouvent avec angoisse le décalage entre l’image qu’ils s’efforcent tant bien que mal de donner à autrui et celle qu’ils ont d’eux-mêmes dans l’insomnie, la dépression, quand tout vacille et qu’ils se tiennent la tête entre les mains, assis sur la cuvette des chiottes.

Il faudra que je me décide à relire les chapitres les plus noirs de « D’autres vies que la mienne », la dépression comme cancer de l’âme, à moins que ce ne soit le contraire, je ne me rappelle plus très bien. Il faut essayer. Il faut essayer.

En attendant, il ne faut pas que ça se voie.

Il ne faut pas que ça se sache.

Laissez-moi me débattre
Venez pas m’secourir
Venez plutôt m’abattre
Pour m’empêcher d’souffrir
J’ai la tête qui éclate
J’voulais seulement dormir
M’étendre sur l’asphalte
Et me laisser mourir

Il faut se dire que la vie n’est pas finie.

Bonne nuit.

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27 commentaires pour Il ne faut pas que ça se voie

  1. Laure dit :

    Il ne faut peut-être pas que ça se voit, mais il faut continuer d’écrire…

  2. Blossom dit :

    Ça fait un moment que je te suis.. Un moment que je te lis.. Mais là, t’as renversé mon coeur et mon cerveau, en disant ces mots qui touchent à chaque petite parcelle de mes cellules. Comme quand on a un mot sur le bout de la langue et que putain, on n’arrive pas à le faire venir ce ptit con, on reste là, à se concentrer, que même chaque sollicitation externe manque invariablement de nous éloigner encore un peu plus du terme convoité. Et puis toi t’arrives la, avec tes mots et bim, tu dégomme mon cerveau comme un paquet de quilles bien rangées. Merci. C’est comme un soupir quand on a le cœur lourd, comme l’inspiration salvatrice quand on sort la tête de l’eau. Et cet espoir..
    Ya de l’air. Quelque part ya de l’air.

  3. Sam dit :

    Il faudrait écrire « que ça se voie » !

  4. Marie dit :

    Dans la société dans laquelle nous vivons, celles et ceux qui aiment et ont besoin de solitude, et qui de plus, sont plutôt introverti-e-s, vivent aussi les mêmes tensions intérieures et le même manque de considération et le mépris que les personnes souffrant de dépression.
    Difficile de tenir le coup certains jours, nous avons aussi bel et bien le droit d’exister ici-bas.
    Puisque de toute façon nul ne sait avec certitude quel est le bon chemin…
    Continuons simplement à cheminer sur notre route…
    « … nous avons la chance terrible d’être là… donné un sens à tout ne ce peut pas… »
    « Oh ironie » Stephan Eicher

  5. John dit :

    Merci d’avoir mis ces pensées en écrit.

  6. Dépé dit :

    « J’ai réussi deux ou trois petits trucs. J’ai essayé. J’essaierai encore — si j’arrive à écrire ces lignes, c’est que j’arrive encore à essayer. J’ai passé la quarantaine. Tous les jours je vais travailler. Tous les jours je m’occupe de ma fille. Je donne le change. J’essaie encore. Mais ça n’ira pas bien loin. Ça ira probablement de moins en moins loin, ce blog comme le reste »

    Tout pareil pour moi, sauf que j’approche la soixantaine et que j’ai plusieurs filles, évidemment un peu plus vieilles donc adolescentes… Evidemment, elles continuent à me regarder souvent avec surprise, mais jamais avec mépris, même quand je n’arrive pas à donner le change. Cela vaut aussi pour ma compagne bien quelle ait découvert tout cela au fur et à mesure. Et donc, il y a des chances que j’aie des raisons d’exister pour encore un bon moment.

  7. Ping : Juste parce que ce texte m’a terriblement émue. | Mes coups de coeur

  8. Boogie dit :

    S’il y a une vérité qui peut nous aider c’est bien qu’on est pas seul.
    Tu n’est pas seul parce que je me lis dans ton billet et il y en a d’autres. Ma petite bête est en sommeil depuis quelque temps, mais c’est un sommeil léger. Elle sombre quand je suis avec les autres que j’aime – des fois ceux et celles-là sont très différents de moi. « La puissance est avec nous quand on est à plusieurs, elle disparait quand on s’éparpille », dit à peu près Hannah Arendt, j’éprouve ça à mon travail (un établissement de soin qui s’appuie sur le courant de la psychothérapie institutionnelle) et dans la belle bande de musiciens qui forme le groupe dans lequel je joue.
    Souvent, j’ai un vertige immense : comment a t-il été possible que moi, une personne si instable, fragile, vulnérable, inconstant, triste, avec mes traits paranoïaques et mes manies d’intellectuel chiant, comment a t-il été possible que je trouve une place quelque part ? Que je rencontre une autre personne qui m’aime ? Je ne comprends pas. Je sais juste que je suis très dépendant des autres, des collectifs auxquels je participe – et je considère ma famille comme un collectif parmi les autres, comme celui de mon travail et de la musique, et il y a aussi celui de foot en salle. Je navigue de collectif en collectif, moi qui suis pourtant un gigantesque connaisseur de la solitude, mais il y a un temps pour tout ? Je navigue, j’ai appris de mon travail à « différencier les lieux ». Participer à soigner des personnes psychotiques m’a aidé à poursuivre la construction d’un lien plutôt apaisé avec le monde. Ce qui sauve, c’est le rythme.
    Malgré tout, quel écho quand je te lis écrire « Je donne le change. J’essaie encore. Mais ça n’ira pas bien loin. Ça ira probablement de moins en moins loin » !!! Cette pensée m’accompagne jour après jour. Je me défends, bien sûr. Je pense qu’elle est là parce que je suis porteur de quelque chose qu’on pourrait nommer « un fantasme de la fixité ». Comme si, une fois que les choses vont « bien », que je sois moi-même « bien » psychiquement, c’est à dire sans angoisse et avec le moins d’aliénation (publicitaire, idéologique et compagnie) possible – ce qui est bien rare il faut l’avouer -, je crois absolument que ça ne bougera plus, que ça va rester constant. Une foutue croyance dont je n’arrive pas à me défaire, et les cycles se répètent. Je ne sais pas si je suis dépressif mais je peux dire à te lire que je suis comme toi.
    Merci pour ce texte et à bientôt
    Boogie

  9. Philippe dit :

    Merci pour ce texte. Une remarque : le titre devrait être, me semble-t-il « que cela se voie » (c’est une formulation au subjonctif)

  10. tungstene dit :

    il n’y a aucune raison objective de ne pas être dépressif, moi je m’en protège un peu en étant toujours amoureux , parfois de plusieurs personnes (mais avec pour règle de ne jamais blessé, d’être toujours dans la bienveillance ) mais amoureux cela passe par plein de choses , un nuage, un parfum de feuille morte, petit chien de chasse de moi toujours la truffe en l’air, il ne manquerait plus que ça que je manque une effluve, ou de jolis rides de grand mère et pour une petite fille qui court de ne plus avoir la peur de la voir tomber, et écrire décrire, écrire à n’en plus finir……..

  11. LeCassandre dit :

    Mélancolie mon amour,
    Comment vivre dans un monde qui broie les coeurs ?
    Trop sensible pour vivre sur cette terre, je me réfugie dans mes reves.
    Le jour, l’ennuie n’habite, j’attends la nuit pour enfin vivre.
    Ce monde est laid, très laid. Comment faire pour vivre dans un monde sans ames ?
    Doit-on détruire son coeur pour vivre ici bas ?

  12. Anonyme dit :

    La dépression guête dans l’entrbaillement de la porte ou par le trou de la serrure… Prête à intervenir, m’empêcher de dormir, nuit après nuits, parfois sur de lonnnnngues, trop longues péiodes. Elle me rend tellement triste et déçu de moi même autant que des autres qui m’entourent et me protègent car ils et elles m’aiment. Mon fils, ma compagne, mes frères et soeurs, ma mère, Tous et Toutes savent que je peux à tout instant me détourner d’Elles et d’Eux et me retrouver seul contre tous, et contre moi même, soudainement envahi par la déception et la tristesse, le désespoir.
    Dépression, faille imprévisible, qui s’ouvre sous nos pieds sans prévenir et dans laquelle nous chutons jusqu’à toucher le fond. Fond dépeuplé, grand désert glauque où ne survit que de la haine de soi tellement l’oxygène s’y fait rare…
    Et puis, finallement, sans prévenir, le brouillard se dissipe et la chaleur, celle des Autres, se fait de nouveau perceptible. Enfin, la lérèreté et l’humour refont partie du paysage. La honte des trop longs instants passés est pourtant toujours là, mais elle ne revêt plus que l’importance toute relative qui rationnellement est la sienne…
    Celles et ceux qui nous aiment auront toujours besoin de nous! Mes scrupules à les rendre malheureux m’empêchera toujours d’en arriver au pire. L’Amour qui nous anime toutes et tous est une énergie immuable, même si nous la regardons parfois soudainement de très loin.

  13. Anonyme dit :

    Vous êtes donc interdit de Facebook. Les algorithmes de FB sont conçus pour mettre les utilisateurs en dépression, par la nature des flux entrants sur votre compte. Un dépressif est un meilleur consommateur.

  14. Bonjour,
    Ce texte est la preuve du contraire 🙂 car écrit avec les tripes, il donne à la dépression des lettres de noblesse. C’est touchant et ça sonne juste. Nous voilà pas loin de l’émotion.
    Créer avec la souffrance ne la rend pas inutile (même si ça ne guérit pas…). Bon courage, sincèrement. J’aime beaucoup vos réflexions, n’arrêtez surtout pas ce blog 🙂

  15. Jean-Jacques Peyraud dit :

    Pour bien connaître cette situation, et me reconnaître largement dans les observations amères qu’elle inspire à l’auteur de ce beau texte, je n’en parviens pas pour autant aux mêmes conclusions, les mêmes symptômes ne nous conduisent pas aux mêmes diagnostics. Que la dépression fasse de nous des parias ne fait pour moi aucun doute, mais je vois tout autrement ce qu’elle inspire autour de nous. Pas pris au sérieux ? Il me semble que c’est tout le contraire : Nous inspirons certes de la peur à ceux qui nous écoutent, une peur qui s’exprime certes par un rejet et un déni violents, mais ce qu’ils nient et rejettent n’est pas en nous, c’est en eux. C’est ce que nous leur faisons apercevoir et dont ils nient l’existence. C’est le gouffre monstrueux qui est au fond de chacun de nous et qu’ils n’ont pas le cran de contempler. Ils savent bien que notre vision tragique est plus fondée que leur optimisme béat, et ce qu’ils redoutent de nous, c’est de mettre à mal leurs certitudes qu’ils savent si fragiles…
    Ils savent que nous sommes plus forts, et que nous affrontons des dangers auxquels ils se dérobent.
    Devrions-nous pour autant en éprouver de la fierté ? Pas plus que la couleur de notre peau, nous n’avons choisi bien sûr cette disposition. Elle nous donne sans doute sur eux l’avantage d’être lucides quand ils choisissent de s’aveugler, mais tel un don pour la musique ou l’abstraction, il ne nous confère aucune supériorité. Mais pas non plus de raison de nous haïr.
    Quant à la peur de transmettre cette disposition dépressive (si on la juge maléfique), elle conduit à nous demander pourquoi le long travail évolutif de l’espèce humaine n’a pas depuis longtemps éliminé ce caractère de ses lignées : Sans doute parce qu’il est utile, peut-être parce qu’il nous conduit vers plus d’humanité ?

  16. Boogie dit :

    Excellent, merci Jean-Jacques !

  17. Gavroche dit :

    En lisant ce texte, je me suis complètement retrouvée.

    Car comment ne pas être désabusé, triste, effaré, déglingué, sans espoir, etc, et oui, dépressif, quand on regarde autour de nous ?

    Ce qui est positif (trouver du bon n’importe où, dans le moindre petit détail apparemment sans importance) c’est de se dire que finalement, on est très nombreux à être dans le même cas.

    Les petits « trucs » que j’utilise pour (tenter de) sortir du bourbier : regarder a nature autour de moi, caresser mes animaux, parler et partager avec les gens que j’aime (même s’ils ont des défauts, et que parfois, j’ai envie de les envoyer paître), un rayon de soleil qui entre dans la maison, un air de musique qui me donne envie de pleurer, ou … un billet de blog comme celui-là qui me donne, malgré tout, envie de continuer. A lire, à écrire, à aimer.

    Merci, inconnu de ce blog pas si prototype. Vraiment, merci !

  18. Akem Syl dit :

    Juste un petit – tout petit – mot en rapport avec une de vos phrases… »Il n’y a pas de héros dépressif. » Héros au sens Grec du terme, je ne sais pas. Mais héros au sens protagoniste, si ! Je compte justement écrire un article d’ici peu sur un jeu dans lequel le joueur incarne une héroïne dépressive – et même plus précisément suicidaire. Ça reste, très honnêtement, un des meilleurs jeux auquels j’ai joué ces derniers mois. Alors…Je ne sais pas si ça aide en quoi que ça soit, mais je peux dire que si : j’ai au moins dirigé un personnage dépressif, et bien construit ; un personnage nuancé et dans une histoire où qui plus est, ses choix déterminent beaucoup de choses. Et j’ai été heureuse de traverser ce jeu aux commandes de cette femme de pixels.
    Il y a sûrement d’autres jeux où « la petite bête » a réussi à se nicher. Dans ce jeu – ci, elle apparaît à un moment sous la forme d’une vieille dame, façon allégorie XIXe. Elle se fait appeler « the Queen of maggots »…
    Je suis certaine que ce jeu a été fait par quelqu’un qui la connaît bien.

  19. Ce message s’adresse à toutes celles et à tous ceux qui ont laissé un commentaire sur ce billet. Il y a plus d’une vingtaine de commentaire sur ce billet : ça ne m’était jamais arrivé sur ce blog.

    J’ai lu et relu ces commentaires. Ils m’ont beaucoup touché.

    J’aurai voulu répondre à chacun d’entre vous, un par un. Je ne l’ai pas fait. Ou du moins pas encore. Je ne sais pas quand je le ferai, je ne sais pas si je le ferai, je sais que je devrais le faire, mais là, à ce stade, maintenant, je ne sais pas quoi vous dire, à part ceci : Merci.

    Je vous embrasse.

    La vie continue. La vie doit continuer.

  20. Ping : Retour à l’anormal - Le Monolecte

  21. JM dit :

    Je viens de lire ces dires alors que je suis inscrit à votre news depuis plusieurs mois…
    J’ai aujourd’hui près de soixante dix ans; soixante dix années de dépression ponctuées de pics mélancoliques et de questionnements sur le hasard ou la nécessité de n’être que ce que je suis: un dépressif profond.
    J’ai écrit le texte suivant il y a environ sept ans, au cours d’une période noire, après plusieurs tentatives de ne plus n’aître.

    Merci pour vos écrits et leur partage qui répartit un peu la douleur entre nous tous qui vous lisons.
    &&&&&&&&&&&&&&&
     » Naître ou ne pas naître

    ça a décidé de s’écrire, en moi.
    Ultime recours (suspensif?) aux jugements et leurs appels qui se sont succédés dans mes cours pénales intérieures, depuis près de deux années que le procès a commencé de ces soixante trois ans d’illégitimité répétée. Je suis né sans-papiers puisque mon passeport pour la vie avait été déchiré en deux parties inégales dont mes mains n’avaient pu retenir que les feuillets sans visas, vierges de toute trace sensée donner sens à cette descendance dont je m’étais chargé en acceptant de naître.
    En acceptant de n’être que d’une moitié, j’avais prémédité la perte du tout.

    La lumière du soleil joue avec ses ombres, sur la table de bois dont le vernis usé semble s’amuser.
    A moins que ce ne soit l’ombre qui joue avec les rayons de l’astre d’hiver tombant, comme un petit enfant découvre les mouvements de ses doigts avec les ombres de la vie.
    Les ombres vivent leur vie d’ombres.
    Tandis que ma pensée sombre… au rythme des larmes qui coulent et tombent paresseusement.
    A moins que ce ne soit leur danse qui ondule ma vision sur le monde et ses ombres, sur cette table, sur ce vernis qui hésite à craquer sous les assauts du clair-obscur.

    « Mon dieu qu’il y en a des croix sur cette terre… », depuis cet autre lever d’un jour nouveau, anticipé par ma vigilante insomnie qui s’est mise à fredonner avec l’indolente innocence de l’inconscient qui reprend conscience … « Et moi, pauvre de moi, j’ai ma croix dans la tête… ».
    A chaque jour suffit sa mélodie qui s’étire des premières secondes de l’éveil aux instants du basculement
    dans le vide du premier sommeil.

    « Un mot y est gravé qui ressemble à souffrir… »
    Corps douleur

    « Et ce mot familier, que mes lèvres répètent, est si lourd à porter que j’en pense mourir. »
    Vivre ou mourir? Me faut-il désormais choisir, à chaque pas sur le chemin d’une existence qui cherche sons sens comme un poisson son eau?

    Ecrire pour sursoir? Dire sur soi pour retarder l’échéance de ces images qui occupent cet espace intérieur devenu si vaste qu’elles y rebondissent en fracas.
    ça commence où, Soi? Dans les souvenirs ou dans les mémoires? Dans les dires entendus, les non-dits perçus, les constructions ou les reconstructions? Le délire ou la réalité?

    Paris. (photo)
    Boulevard Magenta, en haut, sur la gauche, à la pointe d’une petite rue affluente, au-dessus de chez « Segalo »… une clinique privée.
    Je ne m’étais rien refusé pour cette arrivée clandestine. C’était toujours ça de pris.
    Pourtant, j’ai dû longuement hésiter: naître ou ne pas naître? Pas facile à tricoter comme dilemme pour celui que les aiguilles avaient probablement frôlé dans l’insondable cavité utérine.
    Victorieux ou chanceux à l’issue de cette première phase de la corrida, après avoir évité les mortelles banderilles de la faiseuse d’anges qui officiait dans les coulisses, allais-je oser surgir dans l’arène, entre les cuisses étonnées de la reine Marie-Antoinette?
    Longtemps j’ai mis à parcourir le couloir qui conduit du corral protecteur à la clameur des aficionados en blouses blanche et cornettes.
    « Allez! Poussez! »
    « Olé! attendez! Pas si vite!… »
    Trop tard. Le premier trop tard d’une litanie troptardesque, cauchemardesque.

    La cornette trotte bon pas. Son épaisse cape jetée sur la blouse blanche. C’est qu’il faut le déclarer en mairie, le petit. Et c’est pas sa mère qui pourrait le faire, pauvre parturiente épuisée d’un si long combat pour sa délivrance. Une vraie corrida, mazette!
    Il fait froid en ce lendemain du dix-neuf février mille neuf cent cinquante trois. On se les gèle à l’état civil.
    « Non, non, pas de père. Une mère célibataire, monsieur l’officier d’état civil ».

    Papa où t’es?
    Tais-toi et tête!

    JM.

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