C’est très facile d’oublier qu’on est un privilégié

Je suis un privilégié. Je l’oublie facilement.

C’est très facile d’oublier qu’on est un privilégié : Ça fait des années que j’ai en tête cette phrase, et que j’ai en tête de la décortiquer dans un billet. Pourquoi ce billet arrive-t-il en ce sinistre printemps 2021 ? Je ne sais pas.

Ce billet serait probablement plus convainquant s’il était dépersonnalisé, si j’évitais de parler de moi. Mais je fais avec que j’ai sous la main, donc je vais me prendre comme exemple. Ceci n’est qu’un blog.

Je suis un privilégié. Je n’ai jamais manqué de rien. J’ai vécu, je vis, une vie confortable, à l’abri de la plupart des malheurs, des tourments et des fléaux, qui sont ordinaires pour des millions de mes semblables. Et j’oublie tout cela tellement facilement !

Je suis un privilégié, ce qui veut dire que j’ai des privilèges. Examinons-en quelques-uns, même si cela peut paraître fastidieux ou indécent.

Commençons par le télétravail.

Je fais partie de ceux qui, depuis le vendredi 13 mars 2020, sont en télétravail. Je n’ai pas mis les pieds au bureau, je n’ai pas vu mes collègues, je n’ai pas pris les transports en commun, depuis le mercredi 11 mars 2020. Je le vis mal, mais ce n’est pas le sujet. Il m’arrive de me dire en « télétravail à perpétuité » pour exprimer comment je ressens personnellement, égoïstement cette situation : comme une prison. Ça fait partie des choses qui me rendent fou. Mais le fait est que le télétravail, en temps de pandémie, est un privilège.

Le 30 avril 2021, Libération a publié un article sobrement intitulé « Le télétravail est un privilège de classe ». Cet article a choqué, autour de moi, diverses personnes qui ont souffert et souffrent encore de l’enfermement, de la promiscuité, et autres conséquences concrètes (« dégâts collatéraux », comme on dit maintenant) du télétravail. Ces conséquences, ces désagréments, ces souffrances, sont réelles. Cependant, face à cette pandémie qui a déjà tué et mutilé des centaines de milliers de gens dans ce pays et ailleurs (j’appelle « mutilés » toutes celles et tout ceux qui traineront toute leur vie des « Covid-longs », des séquelles et autres conséquences concrètes d’une infection par le Covid-19)… face à cette pandémie, le télétravail c’est un privilège. Le télétravail est un privilège de classe, parce que très inégalement réparti parmi les classes sociales, comme l’illustre l’article.

Ce n’est pas facile de raisonner en termes de probabilités ; c’est ce qui rend facile, parfois, d’oublier qu’on est un privilégié.

Car il s’agit ici de minimiser des probabilités. En étant en télétravail, la probabilité que je sois exposé et infecté par le Covid-19 est très faible par-rapport à la probabilité d’être exposé pour une personne ayant continué à travailler « normalement » (« en présentiel », comme on dit maintenant). Mon risque est dérisoire. Il est très peu probable que j’attrape le Covid-19 – même si le « risque zéro » n’existe pas (et je connais des collègues télétravailleurs qui ont été infectés par le Covid-19). C’est délicat les probabilités.

Les journées de télétravail sont longues et pesantes, me rendent à moitié fou à petit feu, mais ce sont des journées de privilégié. C’est un privilège. Un privilège de classe.

Continuons avec le vaccin.

Des vaccins contre le Covid-19 sont disponibles, dans ce pays, sous des modalités diverses, depuis le début de l’année 2021. Je me suis fait à l’idée que je ne serai pas vacciné avant l’été 2021. Ça ne me choque pas. Ça pourrait m’irriter, m’inquiéter ou m’énerver, mais ça ne me fait rien de tout ça. J’ai des amis, du même âge que moi, qui ont déjà été vaccinés, l’un au Texas, l’autre en Angleterre. Je connais, autour de moi, diverses personnes qui sont prêtes à n’importe quoi pour être vaccinées au plus tôt. Pas moi. Pas tellement par coquetterie, sérénité ou résignation, mais bien parce que je n’ai pas oublié que je suis un privilégié.

D’une part, je suis un privilégié en télétravail (voir plus haut, risque d’attraper le virus très faible).

D’autre part, je suis un privilégié en bonne santé (risque que le virus me bousille faible ; je n’ai pas de « facteurs de comorbidité », comme on dit maintenant). J’ai de la chance. J’ai moins de 50 ans, j’ai un IMC entre 25 et 26, je n’ai ni diabète, ni maladie auto-immune, ni rien d’autre de grave, je ne fume pas, je fais quelques heures de sport par semaine, et mon cœur bat fort, surtout depuis deux ans. J’ai de la chance ! Je suis un privilégié. Je peux attendre mon tour.

Je sais que mon tour viendra. Je sais que je serai vacciné dans les prochains mois. Là encore, parce que je suis un privilégié. En particulier, parce que j’habite dans ce qu’il est encore convenu d’appeler un « pays riche ». Parce que j’habite dans une banlieue moyenne de la région capitale.

Je sais que je serai vacciné avant des millions de mes compatriotes qui auraient besoin d’être vaccinés avant moi, mais qui ne le seront pas, qui le seront après moi, parce qu’ils sont moins privilégiés que moi, parce qu’ils habitent dans des banlieues pauvres ou dans des provinces reculées. Et je sais que je serai vacciné avant des milliards de mes congénères qui eux aussi auraient grand besoin d’être vaccinés avant moi, mais qui ne le seront pas, qui le seront après moi, parce qu’ils vivent dans ce qu’on appelle encore du bout des lèvres des « pays pauvres ».

Et dans les pays pauvres, les vaccins vont arriver au compte-gouttes, parce que les vaccins, bien que développés principalement sur fonds publics, ne sont pas des biens communs de l’humanité, mais des centres de profits pour quelques multinationales. Business as usual. Tant mieux pour les privilégiés, tant pis pour les autres. Le déplorer vous fait passer pour un dangereux communiste, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui. C’est très facile d’oublier qu’on est un privilégié.

Parlons social maintenant.

La transition est facile : C’est très facile d’oublier qu’on vit dans un pays « riche », dans ce monde aveuglé depuis quelques décennies par les mythes de la « mondialisation heureuse », et par les discours myopes ou aveugles type Thomas L. Friedman : « The world is flat ». Non, le monde n’est pas plat. Non, tous les pays et tous les êtres humains ne sont pas au même niveau. Et au sein des pays, les inégalités sont parfois abyssales. Et on s’en tient juste aux pays, alors on voit qu’il y a des pays qui ont des ressources considérables et une bonne organisation. Il y a des pays mal organisés, mais disposant encore de ressources. Et puis il y a des pays dépourvus de ressources et gravement désorganisés. J’ai la chance, le privilège de vivre dans la région capitale d’un pays figurant dans la deuxième catégorie, quoique glissant vers la troisième, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Ici et maintenant, j’ai de la chance.

Mais, de même que tout est fait pour faire oublier qu’il y a des pays riches et des pays pauvres, des régions riches et des régions pauvres, des quartiers riches et des quartiers pauvres, tout est fait pour faire oublier qu’il y a des classes sociales riches et des classes sociales pauvres. Surtout à ceux qui sont du côté des riches.

C’est très facile d’oublier qu’on appartient à une classe sociale « privilégiée », riche, ou « supérieure ». Ce monde est gangréné par les discours qui nient la notion même de « classe sociale » – ce déni est un des points de convergence entre les deux extrême-droites, celle de Macron et celle de Le Pen, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Dans mon cas, et dans le cas d’apparemment beaucoup de monde, ce déni a plusieurs étages.

Une fois passé le déni de la « classe » tout court (« on est une société sans classes, on est tous libres et égaux, c’est écrit dans la Constitution »), on tombe sur le déni de la « classe moyenne » (« on est quand même presque tous pareils, faut pas dramatiser, à part dans les extrêmes »). Comme d’autres – et surtout comme beaucoup d’enfants des années 1970s-1980s –, je me suis longtemps caché derrière cette notion de « classe moyenne ». J’ai tellement été bercé par les douces utopies centristes et giscardiennes type « deux Français sur trois », « le juste milieu », « le cercle de la raison », et autres fables sucrées. La nostalgie de l’enfance nourrit l’illusion de l’innocence. C’est très confortable, la « classe moyenne ». Mais c’est aussi illusoire que croire en l’absence de classes.

Une fois passé le déni de la « classe moyenne », on tombe sur la ligne de défense suivante : le concept de « classe moyenne supérieure ». Supérieure, mais moyenne. Moyenne, mais supérieure. On résiste comme on peut. Et quand on arrive à passer ce déni-là aussi, quand on a aussi épuisé les « concepts » hypocrites style « bobos » ou « CSP+ », on arrive enfin au plus tabou des mots tabous : « bourgeois ». C’est ce que je suis. Plus petit que grand ou gros, mais « bourgeois » quand même. Un bourgeois privilégié. Un petit-bourgeois privilégié, mais un bourgeois quand même. C’est ce que je suis. Je ne peux pas m’en défaire. J’ai été un jeune bourgeois très borné, je suis devenu un vieux bourgeois un peu lucide, je n’en reste pas moins un bourgeois. C’est comme ça. Un bourgeois. Un natural born macronien. Un privilégié. Plus ou moins encore dans le déni, mais un privilégié quand même.

Continuons encore un peu dans le social.

C’est très facile d’oublier qu’on est un privilégié quand on a, en plus d’un bon code postal, la bonne couleur de peau et le bon genre. Il parait que les concepts de « white privilege » et de « male privilege » sont d’affreuses abominations issues d’ignobles universités américaines, vade retro satanas, zemmourini salvum fac regna. Ça tombe bien, je n’ai pas l’intention de parler de théorie, juste de pratique. Des années de pratique m’ont montré que, en tant que blanc, j’ai moins à craindre la police de mon pays que si j’étais bronzé. Je n’ai jamais eu à cacher ou changer mon prénom. Je n’ai jamais eu à craindre de montrer ma photo, ou à avoir besoin d’anonymiser mon CV.

De même, je sais que, en tant que mâle, je n’ai jamais eu à craindre d’être violé. Et je sais que, a contrario, ma fille, par exemple, sauf changement des mentalités, aura toute sa vie à craindre d’être violée, apprendra à faire attention, intériorisera la crainte du viol – et intériorisera in fine toutes sortes d’autres craintes qui m’ont été épargnées à moi parce que j’ai la chance d’être un mâle.

Évidemment, être blanc de nos jours ne protège certes pas de tout, et surtout pas, typiquement, des violences policières. Et il existe aussi des hommes violés. Et il existe aussi des exceptions à tout, les statistiques le démontrent bien…

— Il y a des patrons de gauche, je tiens à vous l’apprendre !
— Il y a aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre !

C’est bête à dire, mais il vaut mieux être blanc, mâle, hétérosexuel et toutes ces sortes de choses, plutôt qu’autre chose. C’est comme ça. C’est moche, mais c’est comme ça. C’est injuste, mais c’est comme ça. Je n’y peux rien, j’aimerai que ce soit différent, mais en attendant c’est comme ça. Est-ce que ces états de fait, ces non-théories, ces réalités constituent des privilèges ? Est-ce qu’ils font de moi un privilégié ? Evidemment ! Evidemment que ça fait partie de mes privilèges !

Parlons fiscal, c’est capital.

Le printemps est la saison où, en tant que contribuable français, je dois vérifier et confirmer auprès de la DGFiP la déclaration de revenus de mon foyer fiscal. Je peux aussi, si je suis un peu curieux, en profiter pour aller regarder dans quel décile et quel centile de la population nous placent ces revenus. Des données de l’INSEE et d’autres sources trainent un peu partout sur le Web, on s’y perd facilement, et au fond, si on ne veut pas voir, ou si on veut juste oublier, on peut ne pas voir très facilement. Ce n’est pas si facile de raisonner en termes de catégories statistiques. On peut couper les cheveux en quatre, invoquer le quotient familial, les parts et les demi-parts, le net et le brut, le coût de la vie en Île-de-France et l’âge du capitaine, relativiser les revenus par le patrimoine et le crédit, et tout le bazar. Mais in fine, tout ça peut tenir en très peu de mots : je suis parmi les 10% ou 12% les plus aisés de ce pays. Je suis dans le premier décile, ou presque.

Est-ce que ça fait de moi un privilégié ? Évidemment ! Évidemment que ça fait partie de mes privilèges !

En cherchant un peu, je pourrais trouver bien d’autres « indicateurs » démontrant que je suis un privilégié. Les chiffres, toujours les chiffres, à l’ère de la quantophrénie. Il y en a partout, des chiffres, il y en a même des bons. L’espérance de vie. L’espérance de vie en bonne santé. L’accès aux soins. Les dents. L’alimentation. La bande passante. Les kilométrages parcourus pendant les vacances ces dernières années. Les vacances tout court. Le bilan carbone. Etc, etc, etc. Il y a peu à gratter pour me rappeler ce que j’oublie si facilement : je suis un privilégié.

Essayons de conclure.

Le monde contemporain ne jure que par la « réussite » et la « méritocratie ». Il me dit donc que, si je suis un privilégié, c’est parce que j’ai « réussi », c’est parce que je suis « méritant », c’est parce que je le vaux bien. Je n’y crois pas.

Qu’est-ce que j’ai « réussi » ? Pas grand-chose. Tout ce que j’ai réussi, c’était, il y a une trentaine d’années, un concours d’entrée dans une Grande École. Et depuis, je ne saurais trop dire. Des projets ? Des produits ? Des factures ? Des petits trucs. Parfois j’ai eu la chance de faire partie de bonnes équipes, j’en ai animé, et j’en ai même monté quelques-unes. Mais de là à parler de « réussite », quelle vanité ce serait. Je suis un professionnel besogneux mais médiocre, travailleur mais minable, honnête mais raté.

Qu’est-ce que je « mérite » ? Pas grand-chose. La vérité, c’est que j’ai hérité – au sens large du mot « héritage », j’ai la chance que mes vieux parents soient encore de ce monde. La vérité, c’est que j’ai eu de la chance, de naître là où je suis né, quand je suis né : un pays riche, développé et en paix, un climat tempéré, une grande ville prospère, un milieu bourgeois, etc. La vérité, c’est que j’ai beaucoup été aidé, choyé, assisté, porté. Et la vérité, c’est que, ces derniers temps, il se passe des heures et des heures où je ne vois plus du tout ce qui justifie ma place sur Terre, l’air que je respire, l’espace que j’occupe, les ressources que je consomme. Je ne mérite rien du tout. J’ai de la chance, j’ai juste de la chance.

Mais le monde contemporain a décrété que « la chance » n’existe pas. La « chance », comme la « classe sociale », la « bourgeoisie », l’ « héritage », la « domination » et toutes ces sortes de choses, c’est tabou. Vade retro bourdivinas ! Je n’ai jamais lu Nietzsche, mais je connais quelques-unes de ses formules :

Kein Sieger glaubt an den Zufall.
Aucun vainqueur ne croit au hasard.

Tel est en résumé le message de l’idéologie dominante de notre temps, le néolibéralisme. Les dominants n’ont pas de « chance », ils ont du « mérite », ils ont mérité leurs privilèges, ce sont des « gagnants ». Les dominés n’ont pas de « malchance », ils ont démérité, ils sont responsables de leur déchéance, ce sont des « perdants », ils devraient avoir honte d’exister.

C’est un message abject, immature et faux. Et tellement facile ! Et le fait que les privilégiés oublient, voire nient, leurs privilèges, en est, au moins un corollaire, peut-être un pilier. Les mots sont importants. Se croire « gagnant », se prétendre « méritant », croire qu’on ne doit rien à personne, ce sont des moyens faciles d’oublier qu’on est « privilégié » — et d’ignorer ceux qui ne le sont pas.

C’est très facile d’oublier qu’on est un privilégié. Aussi les privilégiés devraient se rappeler leurs privilèges, devraient avoir conscience de leurs privilèges, devraient cesser de nier ou de sous-estimer leurs privilèges. Parce que c’est difficile. Parce que c’est aller à contre-courant de la facilité. Parce que c’est essentiel, mature et juste.

Cela devrait être une ardente obligation morale pour tous les privilégiés, les gros et les petits : Être conscients de leurs privilèges. Admettre leur chance. Relativiser leurs « mérites ». Et d’abord évidemment les gros privilégiés, les cumulards, ceux qui, comme moi, sont à l’intersection de toutes sortes de privilèges. On dit ça maintenant, « l’intersectionnalité des privilèges » ? Il parait que le mot « intersectionnalité » est lui aussi désormais une abomination, et pourtant il est tellement pertinent ici. La convergence des privilèges. L’empilement des privilèges. L’addition des privilèges.

C’est très facile d’oublier qu’on est un privilégié. Comme d’autres formes de somnambulisme, c’est très dangereux. Il faut dépasser cela ; tout autant qu’il faudra, le moment venu, abolir le plus de privilèges que l’on pourra.

On vaut mieux que ça.

Bonne nuit.

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6 commentaires pour C’est très facile d’oublier qu’on est un privilégié

  1. Bravo ! (de la part d’un autre privilégié)

  2. Aude dit :

    Merci ! Cette idée du mérite infuse vraiment partout, notamment dans les discours de développement personnel : on a tou·tes en soi le potentiel… Et celles et ceux qui persistent à se dire « victimes » de racisme, de sexisme, de viol ou de violences sont invité·es à arrêter de « se victimiser », c’est à dire à se reconnaître structurellement du mauvais côté du manche, et reçoivent les injonctions à « travailler sur soi ». Il n’y a pas de société, il n’y a que des individus, débrouillez-vous.

  3. smolski dit :

    Ce n’est pas parce qu’on a une part des privilèges sociaux qu’on en possède le principe. Ainsi du manœuvre face à l’ouvrier spécialisé, du médecin face aux labos…

    Cette répartition des privilèges sociaux est tout en un dans le système politique du capital, il ne sert à rien de s’en culpabiliser alors que cette culpabilité même fait partie intégrante des principes de l’inégalitarisme et de la conquête propre au Capital qui nous gouverne tous et non de notre personne isolée.

  4. smolski dit :

    En illustration de mon intervention précédente sur la culpabilité du « qui quoi et comment… »

    L’âge du capitalisme de surveillance – Shoshana Zuboff

    p 510
    « Le rêve d’une technologie de prédiction comportementale et de contrôle est enfin accompli. Ce trophée attire aujourd’hui d’abondants capitaux, des foules de génies, de l’innovation scientifique, de la protection gouvernementale, des écosystèmes d’institutionnalisation et le charme intense qui s’attache, comme toujours, au pouvoir.

    conçus spécialement pour échapper à la conscience au moment où il remplacent la liberté individuelle des uns et par le savoir des autres et la société par la certitude. Le pouvoir instrumentalien n’affronte pas directement la démocratie, il la sape de l’intérieur, en ronge les capacités humaines et la compréhension de soi requises pour soutenir une vie démocratique.

    Il n’y a aucune violence ici, seulement l’évacuation opiniâtre de la volonté de vouloir qui s’incarnait dans l’autodétermination, s’exprimait à la première personne et s’alimentait dans ce type de sanctuaire qui dépend de la possibilité de la vie privée et de la promesse de la liberté publique.

    p 511
    Ce nouveau pouvoir résulte d’une convergence sans précédent : la surveillance et les capacités d’actualisation de Big Other [les outils d’acquisition de nos données privées via Internet] se combinant avec la découverte et la monétisation du surplus comportemental. Ce n’est que dans le contexte de cette convergence que nous pouvons imaginer des principes économiques qui instrumentalisent et contrôle l’expérience humaine, afin de modifier de manière systématique et prévisible le comportement pour que d’autres en profitent. »

  5. OgodeiJ dit :

    Et moi je culpabilise de ne pas réussir à gagner ma vie.

Tous les commentaires seront les bienvenus.