Ils adorent prendre les gens pour des cons

Le régime Macron adore prendre les gens pour des cons.

L’intervention télévisée du produit Macron, hier soir, mercredi 14 octobre 2020, l’a encore démontré.

Au moins a-t-il évité, cette fois-ci, l’une des fulgurances puantes dont il a le secret : « ouvrières illettrées », « vous ne me faites pas peur avec votre T-shirt », « ceux qui ne sont rien », « je ne cèderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes », « les Gaulois réfractaires », « le modèle Amish », et heureusement j’en oublie. C’était plus fin, cette fois-ci, mais ça n’en était pas moins puissant. Le produit Macron, c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim.

Je pense que ce mépris n’est pas superficiel et anecdotique. Ce mépris est un fait très important. Il dit beaucoup sur le personnage, mais aussi sur la cible à laquelle il s’adresse (qu’on appellera par commodité « sa base », la dénomination la plus pertinente étant « le bloc bourgeois ») ; ainsi que sur sa vision du monde, et sur leur vision du monde.

Car ce mépris ne choque pas tout le monde. Ce mépris est partagé par sa base. Ce mépris est important pour sa base. Ce mépris est attendu par sa base.

Prendre les gens pour des cons, pour le produit Macron, c’est autant un réflexe inconscient qu’un calcul conscient.

Typiquement, insinuer que, au fond, la propagation de l’épidémie de Covid-19, c’est la faute aux gens ordinaires qui sont trop cons pour appliquer les consignes de prévention, ça, ça paye ! Il faut en être conscient : ça plait ! Il existe plein de gens, qui se croient eux-mêmes au-dessus de l’ordinaire, et qui adhérent à ce genre de discours. Il existe plein de gens pour qui blâmer les abrutis, les indisciplinés, les irresponsables, est la vérité ultime sur cette épidémie.

C’est la faute aux cons !

Le produit Macron, jeune et joli, bien né et bien élevé, leur renvoie une image d’eux-mêmes qui leur plait. Et avec ses discours de mépris, il dit tout haut ce qu’ils pensent tout bas. Voilà comment on cultive sa base.

Prendre les gens pour des cons, c’est important pour eux.

Pouvoir les traiter de perdants, de losers, de ratés, de minables, c’est important pour eux. C’est leur droit, c’est leur privilège, c’est leur récompense, à eux les gagnants, les winners, les gens bien, ceux qui réussissent.

Ils en ont besoin.

Ils ont besoin d’abaisser les gens ordinaires pour se sentir supérieurs.

Ça leur permet de se sentir du bon côté.

Ça leur permet de se sentir au-dessus du lot – et tous les autres sont en-dessous.

Ça leur permet de se sentir au centre – et tous les autres sont périphériques et extrémistes.

Ça leur permet de se sentir essentiels et importants – et tous les autres sont optionnels et jetables.

Ça leur permet de se sentir être dans le droit chemin, être le droit chemin, être la norme, être le modèle, être parfaits – et rejeter avec dédain tout ce qui n’est pas comme eux. Nul ne s’est jamais perdu dans le droit chemin, n’est-ce pas ? Il suffit de faire tout bien comme il faut, et tout ira bien, on le sait bien !

Développons quelques exemples, puisés dans les images d’hier soir, avant de les oublier.

Le produit Macron a passé une longue partie de son intervention à énumérer un certain nombre de « bonnes pratiques » applicables à la vie privée des gens, jusque dans leurs foyers. Faut faire ci, faut faire ça ! Avec un niveau de détail parfois stupéfiant ! Et, tout en se défendant, bien sûr, « en même temps », d’infantiliser la population. Je serais curieux de lire une comparaison entre ces leçons de bienséance surréalistes, et les dernières interventions de dirigeants étrangers sérieux. Le 24 avril 2020, dans un entretien à Médiapart, Johann Chapoutot constatait :

Merkel, comme Steinmeier, parlent à la raison de leurs auditeurs. (…) Merkel comme Steinmeier parlent à des adultes, à des citoyens rationnels. Le contraste est net avec la France, où l’on nous parle comme à des enfants. Comme l’avait dit Sibeth NDiaye, on assume de mentir pour « protéger le président ». Je me demande d’ailleurs comment il a été possible de nommer porte-parole du gouvernement une femme qui avait fait cette déclaration quelques mois plus tôt. En France, on nous ment. On nous félicite, on nous enguirlande, on nous gronde, on nous récompense, à l’instar de Macron dans ses interventions ; ou l’on nous tance ou nous insulte, comme le déplorable préfet de police de Paris, Didier Lallement. En France, on masque l’impuissance concrète, réelle, du gouvernement par des rodomontades ridicules.

Il faut faire confiance aux entreprises

Le niveau de détail des prescriptions du régime Macron pour les lieux de vies sociales, personnelles et familiales m’a frappé. Il y mettait même une certaine délectation. Son enthousiasme à se mêler de la vie personnelle des gens contraste singulièrement avec son refus de s’interférer avec leur vie dans le monde du travail. Le régime Macron n’en finit pas de rendre impénétrable le monde merveilleux de l’entreprise, à coups de lois sur le « secret des affaires » (typiquement la « loi ASAP » actuellement soumise au Parlement), à coups de canifs dans la liberté de la presse et dans les statuts type « lanceur d’alerte » ou « délégué syndical », à coup de sabres dans le code du travail, ou encore à force de désarmement et de démantèlement de l’inspection du travail et autres institutions de l’État.

Ce qui se passe dans les entreprises : de plus en plus opaque ! Vous comprenez, n’est-ce pas, il faut faire confiance aux entrepreneurs, il ne faut pas parler de ce qui peut les gêner, il faut libérer les énergies, il faut protéger les investissements.

Ce qui se passe dans les logements : de plus en plus transparent ! Vous comprenez, n’est-ce pas, on ne peut pas faire confiance aux gens, ils sont trop cons les gens, c’est à cause d’eux l’épidémie de Covid-19 !

La fracture sanitaire est sociale

Un peu plus loin, le produit Macron a concédé une information intéressante : le Covid-19 frappe plus durement les segments les plus pauvres et les plus fragiles de la population. J’ai été surpris qu’il indique cela. C’était remarquable, parce que, d’habitude, toute évocation des inégalités, notamment économiques et sociales, est un sujet tabou pour ce régime – et ne parlons même pas de « lutte des classes » ! Pourquoi alors cette ouverture subite ?

Avec le recul, je pense que c’est pour aider le produit Macron à rassurer sa « base », c’est-à-dire le « bloc bourgeois ». Ça permet de compléter le message : « Le Covid-19 touche surtout les pauvres qui font n’importe quoi ; vous les bourgeois, vous qui vous savez vous tenir, vous ne risquez pas grand-chose. » Ça lui a permis de flatter sa base. C’est un métier !

Un lumineux article de Nicolas Framont, aussi clair que concis, dans « Frustration » en date du 12 octobre 2020, intitulé « Sauver la vie et les profits des riches : comment la France est devenue une oligarchie sanitaire », appuyé sur une étude de l’INSERM, explique comment le « confinement » a permis de transformer une épidémie au départ disséminée par des « winners » « frequent flyers », en une épidémie qui fauche surtout les « losers » « Navigo mensuel ».

Tout a commencé au début de l’année 2020 : la bourgeoisie internationale, adepte des voyages et de l’expatriation lucrative, ramène le virus en France. Dans notre pays, le patient zéro du “cluster” des Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie, une station de ski très touristique proche du Mont-Blanc, était un ressortissant britannique de retour d’un voyage d’affaires à Singapour, où plusieurs cas avaient été recensés. Pendant ce temps, les Français expatriés pour affaires en Chine ou en vacances en Egypte “exigeaient” que la France vienne les chercher.

Ce texte est limpide. La « base », au début, a eu peur du Covid-19, parce qu’ils se sont sentis concernés. Moi-même, j’ai pris l’avion en février 2020, et le contraste entre les hôtesses de l’air des compagnies asiatiques, toutes masquées et tenant leurs distances, l’absence totale de mesures de contrôle, et les affichettes dérisoires, était effrayant. Ils ont eu peur. Le produit Macron a fait le nécessaire – pour eux. Et maintenant, ils n’ont plus peur – et ils méprisent ceux qui ont peur. Ça leur fait du bien de mépriser ceux qui ont peur.

En un sens, c’est le même retournement qu’avec les Gilets Jaunes. En décembre 2018, ils ont eu peur. Le produit Macron (et les médias des milliardaires) ont fait le nécessaire. Et à partir de mars 2019, n’ayant plus peur, ils ont pu se lâcher dans le mépris et l’invective, ayant transformé les mots « Gilets Jaunes » en une insulte, presque un crachat, quelque chose entre « bêtes féroces » et « racailles puantes ». Ça leur fait du bien de mépriser ceux qui ont peur. Car ils ne se sentent bien que dans le mépris.

Ce n’est pas une question de moyens !

Au début de ce mois, le 6 octobre 2020, lors d’un échange avec des soignants dans un hôpital, à bout d’arguments face à ces gens désabusés et épuisés, le produit Macron avait fini par asséner cette phrase, si typique du managérialisme tel que je le subis, tel que nous sommes des millions à le subir, depuis des dizaines d’années :

Ce n’est pas une question de moyens, c’est une question d’organisation.

Il y aurait des pages et des pages à écrire sur cette phrase ignoble.

Cette phrase fait partie des phrases que je supporte de moins en moins. Peut-être parce que, pendant longtemps, j’ai pu y croire, j’ai pu m’y laisser prendre, j’ai même souvent essayé de la mettre en pratique. J’aurais pu être macronien, je devrais être macronien, et je vis entouré de macroniens. Ne vous y trompez pas : cette phrase absurde, ils y croient. Ils y croient dur comme fer. Yaka. Fokon. Version américaine courte : Work smarter, not harder. Ils ne se rendent même pas compte que c’est une insulte. Fumiers.

Cette phrase est bien sûr hors de propos quand il s’agit de payer des dividendes, ou de renflouer le système financier. Là on met les moyens, et on n’ennuie pas ces gens si bien habillés avec des leçons de morale sur comment mieux s’organiser, comment être plus agiles, ou comment se tenir pour éviter le Covid-19.

Cette phrase est bien sûr hors de propos quand il s’agit de rendre le pays « attractif » pour les « investisseurs » (c’est-à-dire, les capitalistes). Là on met les moyens. On change les lois. On cajole. On fait des sacrifices. Les camarades infiltrés ont déniché cette semaine une perle sur ce sujet.

Cette phrase a surtout une profondeur sociale et humaine qu’il est aisé de sous-estimer tant, au fond, si souvent, elle est juste stupide. Cette phrase, banale, banalisée, ordinaire, est une expression de mépris. Un mépris féroce. Un mépris viscéral. Le mépris de ceux qui sont au-dessus pour ceux qui sont au-dessous. Le mépris de ceux qui, parce qu’ils sont au-dessus, sont bien convaincus qu’ils sont plus intelligents que ceux qui sont au-dessous. Le mépris de ceux qui, parce qu’ils sont au-dessus, ne peuvent s’empêcher de vouloir rappeler à ceux qui sont au-dessous qu’ils sont inférieurs. Qu’ils sont juste cons.

Gilles Le Gendre est rentré dans la légende du macronisme le 17 décembre 2018, à l’apogée des Gilets Jaunes, en six mots :

Nous avons insuffisamment expliqué ce que nous faisons. (..) Et une deuxième erreur a été faite (…) : c’est le fait d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils, trop techniques dans les mesures de pouvoir d’achat.

Le mépris est l’essence du macronisme.

Le produit Macron le rappelle à chacune de ses interventions. Mais ce n’est pas une erreur. Et ce n’est pas non plus juste une conséquence de son caractère individuel et de son parcours personnel. C’est aussi l’expression de sa caste, et c’est enfin un calcul pour exalter sa base. Comme Trump.

Ça peut très mal finir. Comme Trump.

Bonne nuit.

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3 commentaires pour Ils adorent prendre les gens pour des cons

  1. Je vois que nous avons les mêmes fréquentations professionnelles… rien à rajouter ! Bravo !

  2. Malbrough dit :

    Voilà, bravo, c’est exactement ça, on ne peut mieux dire ….!
    Vous êtes « du peuple » ?
    Vous avez un gros rhume ou une petite grippe qui ne vous cloue pas au lit .
    Il est évident que puisque vous êtes idiot , vous allez vous précipitez sur les gens, sur vos proches pour les embrasser, envoyer vos postillons à bout portant , trainer des mains dégueulasses etc … Bref tout faire pour leur refiler vos microbes , les contaminer .
    Dans le monde de l’entreprise , avec certains super dirigeants surpayés , et les gentils actionnaires désintéressés , qui ne vous veulent que du bien , mais surtout pas votre argent , c’est l’inverse : c’est le respect absolu .On donne l’exemple .
    C’est une façon de penser , une mentalité ….
    Depuis l’antiquité il y a la plèbe et l’aristocratie : faut pas confondre les deux .
    Ben je vais pas lui tendre la main à E. Macron à son équipe et ses hauts fonctionnaires si dévoués .
    Il nous prend pour des cons mais les cons s’en souviendront .

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