L’homme le plus répugnant d’Europe

Billet écrit en temps contraint

Un court billet pour recommander très chaleureusement le petit livre écrit par Eva Joly et Guillemette Faure, intitulé « Le Loup dans la Bergerie » , et consacré à Jean-Claude Juncker.

Jean-Claude Juncker est présenté comme un homme à deux visages : côté face, sympathique et bon vivant (et un peu alcoolique) ; côté pile, cynique, froid et vendu à tous les intérêts financiers.

Et à travers le président de la Commission Européenne, c’est le portrait de ce qu’est devenue l’Union Européenne.

Que sont nos idéaux devenus ? Notre gueule de bois aujourd’hui est à la hauteur de l’ivresse d’alors. (…) À la place de la coopération dont nous rêvions, les pays européens se sont lancés dans une concurrence acharnée pour capter chez eux les richesses de leurs voisins. Les conséquences sont désastreuses, amplifiant les dérives que l’on connaît dans nos pays respectifs. Chaque espace de décision politique, à Paris, Berlin ou Bruxelles, est en effet devenu un espace de marchandage où les entreprises les plus puissantes, les banques et les assurances, leurs conseillers et représentants, sont désormais les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics. Certains ministères se transforment en guichets pour multinationales, venues négocier les meilleures conditions d’exploitation. Sans plus aucune retenue, usant et abusant du chantage à l’emploi et menaçant d’aller voir ailleurs, elles imposent leurs règles.

Ce livre est remarquablement clair, concis et lisible.

À un lecteur déjà un peu averti, ce livre n’apprendra peut-être pas énormément de choses, mais il les remettra en perspective, il donnera une vision d’ensemble. La vision d’ensemble est bien plus hideuse que la petite addition des petites saloperies apprises au fil des années, auxquelles on s’est habitué progressivement, voire qu’on a oubliées partiellement. Comme la grenouille plongée dans une casserole qu’on chauffe lentement.

À la grande majorité des lecteurs, ce livre ouvrira d’un seul coup les yeux sur ce qu’est devenue l’Union Européenne. Ça peut faire mal, et donner envie juste de fuir. Comme la grenouille jetée dans l’eau bouillante.

Ce livre est très bien construit. Il expose une à une les mécaniques infernales mises en place par Juncker, littéralement incarnées par Juncker, même si, in fine, la quasi-totalité des classes dirigeantes de l’Union Européenne est complice de Juncker. Juncker est la figure de proue de l’oligarchie européenne.

Ce livre explique très clairement des faits, et démonte des mythes.

Le Luxembourg n’est pas un pays. C’est un grand-duché, c’est un fief médiéval. Ridiculement petit. Bien plus petit que la Suisse ou la Belgique : « le tiers du Loir-et-Cher » ! C’est une fabrication.

Le Luxembourg n’a aucune « tradition » de « secret bancaire ». Le « secret bancaire » a été instauré au Luxembourg en 1989, quelques mois avant que Jean-Claude Juncker ne devienne Ministre des Finances (il n’était, depuis 1984, que Ministre du Travail). Et le « secret bancaire » a été aggravé en 1991 par la criminalisation de son non-respect (devinez qui était Ministre des Finances — il l’est resté 20 ans et 9 jours !). Le « secret bancaire » n’est pas un héritage ou une « ressource naturelle », c’est un choix, il fait partie d’une politique délibérée.

Il n’y a pas de « vide juridique » pour le numérique : il y a juste eu des décisions politiques. Par exemple, j’ai acheté ce livre sur mon Kindle, donc à Amazon. J’ai reçu par E-mail une petite facture, émise par une entité au Luxembourg, la TVA va donc être perçue par le Luxembourg, au taux luxembourgeois. Pourquoi pas par une entité en France, où j’habite, au taux français ? Parce que l’UE a décidé que c’était possible. Si j’avais acheté ce livre dans une petite librairie, la TVA aurait été perçue par l’Etat français. Mon achat aurait ainsi contribué au financement de la France, au cadre de vie où j’habite. Mais l’UE en a décidé autrement.

Et tout est comme ça dans l’UE de Juncker. Tout est fait pour gonfler les profits des multinationales, et tarir les sources de financement des Etats — et ensuite leur faire la morale de l’austérité.

Comme le lui a confié benoîtement l’ancien ministre des Finances français Jean Arthuis : « Quand tu étais à la tête de l’Eurozone, le matin, tu nous rappelais nos obligations, et l’après-midi, tu nous faisais les poches. »

Ce livre emploie les mots justes. Il faut en finir avec les sophismes et les formules sophistiquées — évasion fiscale, optimisation fiscale, planification fiscale. Il faut employer les mots justes : détournement, vol, pillage. Et trahison. Voire barbarie.

Il faut le dire : c’est du pillage, c’est du vol, ce sont des pillards, ce sont des voleurs.

Et dans toute société civilisée, les voleurs vont en prison. Mais l’Union Européenne est-elle encore une société civilisée, ou juste un paradis pour barbares et prédateurs — des loups dans la bergerie ?

Ce n’est pas de cette Europe-là dont nous rêvions.

Cette Union Européenne est répugnante.

Un homme incarne cette trahison des clercs qui nous gouvernent : Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne.

Ce personnage est répugnant.

Il y a un peu plus de trois ans, à l’hiver 2013, j’avais rédigé un long billet sur Angela Merkel intitulé « L’homme le plus dangereux d’Europe » . Un an plus tard, à l’hiver 2014, c’est Angela Merkel qui est allée chercher Jean-Claude Juncker, pourtant enfin sorti du jeu politique (« et bon débarras », pensait-on), pour en faire, par-delà la mascarade des élections européennes de mai 2014, le nouveau président de la Commission Européenne en novembre 2014.

Quatre jours après la prise de fonctions de Jean-Claude Juncker, j’avais rédigé un long billet sur sa commission intitulé « La trahison de l’intérêt général » . Le surlendemain, le scandale LuxLeaks démontrait que, comme beaucoup, j’avais sous-estimé l’ampleur des saloperies de Jean-Claude Juncker. Mais il a été nommé. Pour cinq ans. Confirmé par une écrasante majorité de « députés européens ». Il est intouchable jusqu’en 2019 !

La boucle est bouclée : Jean-Claude Juncker est l’homme le plus répugnant d’Europe.

Nous ne pourrons recommencer à croire en l’Union Européenne que lorsque Jean-Claude Juncker aura été écarté de la présidence de la Commission. Sa place — et celle de ses complices — est en prison.

L’Europe vaut mieux que cette Union Européenne répugnante, ces politiques répugnantes, et ces personnages répugnants.

On vaut mieux que ça.

Make Europe great again: jail Juncker!

Bonne nuit.

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