Interstellar : Un père, sa fille, et au-delà

J’ai enfin vu en cet été 2016 « Interstellar », le film de Christopher Nolan sorti à l’automne 2014.

Je n’avais pas trouvé le temps d’aller le voir à l’époque de sa sortie. Aussi surprenant que ça puisse paraître, j’ai ensuite réussi à n’en apprendre presque rien, à ne savoir presque rien de l’intrigue, ou au moins à en savoir suffisamment peu pour savourer ses effets de surprise du début jusqu’à la fin. Il était temps, il était grand temps que je le vois.

Je savais que ce film traitait divers thèmes qui pouvaient me plaire, mais je ne pensais pas l’aimer autant. Typiquement, il était annoncé dans la veine du monument « 2001: A Space Odyssey ». Je savais que je devais le voir. Je l’ai vu. Je n’ai pas été déçu. Je ne pensais pas être autant ému. J’ai été ému aux larmes par ce film.

Comme dans Inception, j’ai adoré la musique de Hans Zimmer, puissante et obsédante.

Je recommande ce film. C’est un merveilleux film de science-fiction. Le seul but de ce billet, s’il en faut un, est de convaincre un éventuel lecteur de voir ce film.

C’est un film sur la planète dans quelques décennies, le futur imminent, quand on aura achevé de déstabiliser l’écosystème et qu’on commencera à se rendre compte qu’on ne sait plus le rattraper. Et qu’on périra avec lui. C’est cet aspect du film qui avait été évoqué tristement dans le blog de Paul Jorion :

Avec Interstellar débute le travail de deuil de notre espèce à propos d’elle-même.

C’est un film sur la civilisation humaine qui, à quelques exceptions, a cessé de regarder vers les étoiles, et ne regarde plus que son nombril, ses racines et bientôt sa tombe. Elle a renoncé au progrès, elle doute qu’il soit juste possible d’aller sur la Lune. Et ça, pour moi, ce n’est pas le futur imminent, ce n’est pas l’humanité dans quelques décennies, c’est le présent. C’est maintenant. On tourne en rond. On tourne en rond. On est en 2016, on devrait être en train de coloniser Mars, on ne devrait pas être en train de singer des guerres de vieilles religions à coups de chiffons-kinis et de gri-gris-kinis. On devrait être en train de construire l’utopie, on subit la dystopie.

We used to look up at the sky and wonder at our place in the stars. Now we just look down, and worry about our place in the dirt.

C’est un film sur un père et sa fille — et sur un autre père et sa fille. Par un étrange effet de symétrie, le premier père va œuvrer aux côtés de la deuxième fille, et le deuxième père aux côtés de la première fille.

Dans les deux cas, la mère n’apparaît pas ; dans le premier cas, on apprend que la mère a été emportée par une maladie, dans l’autre cas, on n’en parle juste pas, ce qui est peut-être pire. Le père est seul face à sa fille.

Un père qui doit partir, et sa fille qui veut qu’il reste.

Un père qui ne part pas, et c’est sa fille qui part.

Chaque père a fait une promesse. Un seul des deux la tiendra.

Chaque père espère revoir sa fille. Un seul des deux la reverra.

Je ne suis ni Robert Langdon, ni Sigmund Freud, je ne sais pas ce qu’il y a à décoder derrière ces symétries et ces dissymétries. Je sais juste que c’est une histoire poignante.

[Ils] constatent (…) que, pour la première fois depuis des décennies et des décennies, leurs enfants ne vivront peut-être pas dans un monde meilleur.

Chaque père espère un monde meilleur pour sa fille. Les deux — les quatre — participeront à la construction de mondes meilleurs.

C’est un film sur le temps, le temps relativiste, les paradoxes temporels, le temps comme une dimension parmi quatre, neuf ou onze autres. Les puristes rechercheront des invraisemblances techniques ou des incohérences scientifiques ; je n’ai vu que de l’émerveillement.

C’est un film sur la terreur. La terreur d’une enfant que son père ne croit pas. La terreur de ne pas savoir d’où vient un message. La terreur de ne pas être entendu. La terreur d’échouer, de n’être pas à la hauteur, de décevoir, de trahir — de décevoir sa fille. La terreur d’être abandonné seul au milieu de nulle part. La terreur de la fin des temps.

C’est un film sur la transmission, la transmission de messages, la transmission de gènes, la transmission du savoir, la transmission de la civilisation. D’un père à sa fille. D’une planète à une autre. D’une époque à une autre.

C’est un film sur l’espoir. L’espoir de dépasser, d’aller plus loin, de faire mieux. L’espoir que la génération suivante, non seulement survivra, mais vivra mieux. L’espoir que tout ça ait un sens.

Épater sa fille. Épater son père. Sauver les autres. Se sauver. Voir plus loin. Croire qu’on peut aller plus loin. Aller plus loin.

We’ve always defined ourselves by the ability to overcome the impossible. And we count these moments. These moments when we dare to aim higher, to break barriers, to reach for the stars, to make the unknown known. We count these moments as our proudest achievements. But we lost all that. Or perhaps we’ve just forgotten that we are still pioneers. And we’ve barely begun. And that our greatest accomplishments cannot be behind us, because our destiny lies above us.

C’est un film pour se dire que la vie n’est pas finie.

Les enjeux de ce siècle encore assez neuf sont de plus en plus clairs.

Bonne nuit.

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